Dinosaur

To The Earth, disque de la semaine du Grigri du 18/05 au 24/05

Quand on pense Dinosaur, on peut penser apparatchik de la politique. Mais on peut penser aussi Jurassic Park. Avec ce quatuor from UK, c’est plutôt la seconde option qui s’offre à nous. Tout se passe comme si, la trompettiste Laura Jurd et ses alliés avaient décidé de choper l’ADN du “vieux jazz” pour le faire revivre à la sauce 2020. C’est flagrant sur “Slow Loris” où l’on a l’impression d’écouter du Dizzy Gillespie à la moulinette minimaliste, sur “Banning Street Blues” et sa belle humeur à la Ramsey Lewis (en plus anguleux) ou sur “Absinthe” qui a comme une tête de standard voilé à 4H du mat’ dans un vieux bouge visqueux de whisky. A l’image de sa (splendide) pochette brumeuse To The Earth a parfois des faux-airs de fin du monde. Du moins, de monde parallèle. Et son morceau final, “For One”, aurait d’ailleurs très bien pu figurer au générique de Twin Peaks.

Ce n’est pas pour rien si ce disque se mérite. Comme un labyrinthe, il ne s’offre pas directement au premier venu. C’est à force de s’y promener qu’on y trouve des dizaines et des dizaines de recoins merveilleux. D’ailleurs, dès l’ouverture éponyme, c’est dans le sillage d’Ambrose Akinmusire et de Wayne Shorter que Dinosaur s’inscrit avec une humilité réjouissante. Le premier pour le son de trompette clair, net, précis, sans bavures ni démagogie; le second pour les mélodies qui s’échappent par les trous de serrure et les lascives textures d’instruments (les allers-retours contrebasse-piano-batterie entre Conor Chaplin, Elliot Galvin et Corrie Dick valent le détour).

Troisième album de ce quartet aux dix années d’existence, To The Earth s’impose comme un retour aux sources. Après un second album électrique et synthétique, Wonder Trail (en 2018) qui sonnait comme une réponse plus jazz à The Comet is Coming, Dinosaur revient aux textures acoustiques qui avait fait son succès et sa réputation en 2016 sur Together, As One, nommé au prestigieux Mercrury Prize aux côtés de The xx, Kate Tempest, Sampha, Loyle Corner ou encore de… Ed Sheeran.

Symbole d’une autre voie possible pour le jazz UK que celle portée par Shabaka Hutchings et ses protégés du label Brownswood, Dinosaur donne aussi envie de se plonger dans la discographie atypique de sa trompettiste en chef: de la musique contemporaine enveloppante sur Stepping Back, Jumping In aux reprises des Beatles et de Bill Withers sur Trio, cette jeune Anglaise est clairement le vélociraptor de la scène anglaise: on en entend moins parler que le T-Rex mais ça peut faire autant de grabuge, si ce n’est plus.

🇬🇧 It seems like trumpeter Laura Jurd and her allies have decided to crack “old jazz” DNA to give it some brand new life! It’s obvious on “Slow Loris” where you are listening to a minimalist version of Dizzy Gillespie, on “Banning Street Blues” and his Ramsey Lewis‘ good mood (maybe a bit more angular) or on “Absinthe” which sounds and looks like an old standard played at 4 in the morning in an old bar. (…) But this record needs to be earned. Like a labyrinth, it is not opening itself to the first comer. It is by walking through it that one can find dozens and dozens of wonderful corners. Actually starting from the opening, it is in Ambrose Akinmusire and Wayne Shorter footsteps that Dinosaur has decided to walk with a joyful humility. (…) Symbol of an another path for the UK jazz artists than Shabaka Hutchings and Brownswood label’s footprints, Dinosaur also makes you want to immerse yourself into the atypical discography of its chief trumpeter.

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