Jaimie Branch

FLY or DIE II: bird dogs of paradise, disque de la semaine du Grigri du 14/10 au 20/10

Emouvant, fou, drôle, frondeur, effrayant, le nouvel album de la trompettiste Jaimie Branch est tout ça à la fois. Membre éminente et électrique de la très fertile scène de Chicago aux côtés de Makaya McCraven, Angel Bat Dawid, Resavoir ou Damon Locks, la jeune femme fait comme ses collègues en 2019: un chef-d’oeuvre. Sorti il y a à peine deux ans, le premier tome de son quartet Fly or Die nous avait déjà bien impressionnés par sa capacité à faire péter les digues du free jazz avec un esprit pop surtout pas putassier. Au contraire même: la pop selon Jaimie Branch est un terrain d’expérimentations comme un autre et si son free est classe, sa pop est punk. Son espace de jeu, c’est le terrain miné, d’où le blaze de son band, Vole ou Crève. Une devise qui rappelle le fameux « it’s better to burn out than to fade away » (« il vaut mieux brûler franchement que s’éteindre à petit feu ») de Neil Young.

Et avec cet épisode 2 enregistré live lors de sa dernière tournée européenne, Jaimie Branch continue de brûler franchement son jazz par les deux bouts, bien aidée par les cris du public qui semblent la pousser comme un stade galvanise une athlète. Parfois, on pense à Mingus, dans cette maîtrise de la rage, dans cet engagement franc, éclatant, sophistiqué, dans ces échanges fiévreux entre basse et trompette (cf. l’incroyable vrai-faux blues de plus de dix minutes, “prayer for amerikkka pt. 1 & 2”). Parfois, on retrouve l’esprit de l’Art Ensemble of Chicago, autre groupe capable de brouiller les frontières entre free et pop – intuition confirmée par le très court “lesterlude”, possible clin d’oeil à Lester Bowie. Parfois, il y a aussi quelque chose de Marc Ribot, dans cet éclectisme DIY, dans ces chansons qui ne veulent jamais s’arrêter sur un genre comme une roue de la fortune volontairement indécise.

Mais le plus important, c’est que la trompettiste-chanteuse-militante de Chicago affirme surtout ici le style “Jaimie Branch”. Un style atypique à l’image de la formation de son groupe: violoncelle (Lester St. Louis) contrebasse (Jason Ajemian), batterie (Chad Taylor). Un style fait de transe, de brillance et de contraires. Un style vestimentaire aussi, puisque cette jazzwoman a des allures de fan de Cypress Hill – les fringues, c’est une seconde peau qui permet (ou empêche) de ne pas jouer comme les autres. Un style peut-être totalement résumé dans le génial morceau de clôture: une magnifique “Love Song” dédiée à tous les “assholes and clowns” de la planète. Ils se reconnaîtront dit-elle avec sa voix timidement enrouée. Bref, FLY or DIE II: bird dogs of paradise, c’est le grand disque jazz sur la colère qu’on attendait depuis un bail.

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Dynamiter l’éthio-jazz avec des solos de saxophone sauvage et de grosses rythmiques : c’est la mission que poursuit depuis plus de 15 ans le groupe Ukandanz, fruit de la rencontre entre le quartet mené par Damien Cluzel et le chanteur éthiopien Asnake Guebreyes. Pour ce sixième album, cela démarre pied au plancher : leur formule, totalement maitrisée, nous propulse sur un dancefloor explosif où la transe est au rendez-vous. La reprise de War Pigs de Black Sabbath (!) en est la meilleure preuve. Un plan sonique totalement démoniaque!

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La trompettiste Poppy Daniels est très occupée : on la retrouve sur scène avec des artistes confirmés comme Arlo Parks ou Jordan Rakei, tout en participant activement à la scène UK Jazz. Mais elle a réussi trouvé le temps de sortir son premier EP, Keep on Going. On est capté par la beauté des mélodies de ces 6 morceaux et on sent le haut potentiel de la jeune musicienne. Mention spéciale au morceau 2 am où un air magnifique, quasi hispanisant, se mêle parfaitement à des percus afrobeat…un groove nocturne qui ne lâche pas!

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