Laurent Bardainne & Tigre d’Eau Douce

Love Is Everywhere, disque de la semaine du Grigri du 27/04 au 03/05

« Pourquoi faut-il que le lion féroce devienne enfant ? », demande Nietzsche dans Ainsi Parlait Zarathoustra. Et comme tout bon philosophe qui se respecte il répond à sa propre question: « L’enfant est innocence et oubli, un nouveau commencement et un jeu, une roue qui roule sur elle-même, un premier mouvement, un « oui » sacré. » Tout se passe comme si Laurent Bardainne avait réalisé la prophétie du mage allemand dans son premier album sous son nom, lui qui avait jusqu’ici plutôt eu tendance à agir sous des alias aussi excitants que Limousine, Poni Hoax ou le Thomas de Pourquery Supersonic. Une impression d’autant plus crédible que Nietzsche n’a eu de cesse de louer “la belle humeur” dans la musique. Et que tout dans Love Is Everywhere sonne comme un hymne à la joie. D’où ce constat possible: là où Limousine exposait la face mélancolique et clair-obscur du saxophoniste français, son Tigre d’Eau Douce explore son côté lumineux, voire bon enfant.

Du magnifique “Everlasting Child” aux titres qui évoquent clairement des jeux de gosses (“Cabane” et “Apaches”) en passant par la célèbre insulte du héros des 7 à 77 ans (le “Bachibouzouk” du Capitaine Haddock), on trouve partout des indices confirmant ce vivifiant côté cour de recréation. L’exemple le plus frappant débarque même dès l’ouverture de Love is Everywhere: sur “Félin Méchant”, Laurent Bardainne trafique la voix de sa fille qui parle de lions, de jaguars ou de léopards mais surtout pas de chats, car elle n’aime pas trop les chats. Cette candeur réjouissante, c’est tout le propos du disque – d’où aussi le clin d’oeil au Facteur Cheval sur “Le Vent, les arbres, les oiseaux m’encouragent”. Le saxophoniste multiplie donc les gaies mélodies et les ambiances espiègles pour produire un album au plaisir savamment transmissible. Quelque chose qui rappelle parfois la plasticité décontractée et le groove sensuel de la grande époque de la Library Music à la française.

Ce grand oui sacré à Love Is Everywhere ne serait pas complet si on ne saluait pas aussi la fine équipe qui embrasse le saxophoniste: l’orgue enveloppant d’Arnaud Roulin, la basse rentre-dedans de Sylvain Daniel, la batterie en apesanteur de Philippe Gleizes, les percussions serrées de Roger Raspail, la poésie sophistiquée d’Anthony Joseph sur le morceau de clôture (“Star 5”), sans oublier le label Heavenly Sweetness ou le graphiste Soy Panday. Ils confirment que Laurent Bardainne a toujours parfaitement su choisir ses camarades de jeu: des gens qui griffent et rugissent, mais toujours avec douceur. Voilà sans doute sa définition de l’amour et du jazz, et vice-versa.

🇬🇧 Everything about “Love Is Everywhere” sounds like an hymn to joy. Hence this possible observation: where “Limousine” was exposing the melancholy and chiaroscuro face of the French saxophonist, “Tigre d´Eau Douce” is exploring his luminous and good-natured side. From the magnificent “Everlasting Child” to titles that clearly evoke children’s games (“Cabane” and “Apaches”) through the famous Captain Haddock’s “Bachibouzouk”, you will find everywhere some clues confirming this exalting playground side. (…) Laurent Bardainne multiplies cheerful melodies and playful atmospheres to produce an album that spreads a voluble and communicative happiness. (…) “Love Is Everywhere” can easily recalls you the relaxed plasticity and the sensual groove of the great era of French Library Music.

 

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