Steiger

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The New Lady Llama (Sdban Records)

Cette pochette, on ne sait pas si on doit la prendre comme un hommage à Breaking Bad, aux gilets jaunes, à la Bretagne, aux crash test dummies ou l’art contemporain. Ce qu’on sait, c’est qu’elle claque comme une bonne affiche de film. D’ailleurs, le nom de baptême de ce nouveau disque des Belges de Steiger sonne comme un titre de buddy movie: The New Lady Llama. Même le nom des musiciens écrit en tout petit en-dessous ressemble à un casting: Gilles Vandecaveye-Pinoy dans le rôle du clavier, Kobe Boon dans celui de la basse et Simon Raman pour la batterie. Ça pourrait être A Very Bad Trip. C’est en réalité Stranger Than Paradise.

Quand on jette un oeil attentif aux photos de presse du trio, on se dit que la référence la plus évidente, c’est celle de Breaking Bad. Avec cet album, Steiger donne l’impression d’avoir shooté son jazz aux amphétamines tout comme, dans la fameuse série créée par Vince Gilligan, Walter White produit des petits pilules bleues psychotropes. Quand on écoute les synthés gonflés à l’hélium de “Sun Dog”, “Lambda” ou “Just A Rite”, c’est flagrant. Les Belges n’ont presque plus rien à voir avec le trio traditionnel qu’ils formaient sur And Above All en 2017 ou sur la fameuse compilation belge de Lefto, Jazz Cats. Ils prennent plus de risques, sonnent davantage électro, la jouent bien plus lo-fi. À l’instar du célèbre héros de Breaking Bad, ils testent des trucs dans un laboratoire maison.

Si on devait [leur] trouver un cousinage, ce serait avec Jameszoo. Même fascination pour le jaune, même tendance à enchaîner groove et free sans transition, même amour des claviers psychés, même émotion lo-fi, même univers perché.

À présent, Steiger laisse plus de silence(s), plus d’incertitude(s), plus d’espace(s). Et tout comme Walter White a été poussé à produire de la crystal meth’ par son ancien élève Jesse, c’est un Australien installé à Berlin qui a fait office de déclencheur pour les Belges, Joe Talia. L’an dernier, ce collaborateur de Jim O’Rourke ou de Kim Myrh avait accompagné le trio en résidence avant de les aider à muscler leur jeu sur un EP complètement perché, Brick Smoke Basement. Une sorte B.O. de jeu vidéo à l’ancienne, faussement naïf, vraiment surprenant.

Résultat, Steiger a des allures de groupe Brainfeeder, le label de Flying Lotus dont la catalogue est infusé aux soundtracks de la Game Boy. D’ailleurs si on devait trouver un cousinage à The New Lady Llama, ce serait avec le fascinant Fool de l’Hollandais Jameszoo. Même fascination pour le jaune, même tendance à enchaîner groove et free sans transition, même amour des claviers psychés, même émotion lo-fi (“The Happiest Thought of my Life” de Steiger peut vous tirer une petite larme), même univers perché (la clôture dadaïste des Belges, “Absolution of a French Fry”, vaut le déplacement). Plus besoin donc d’aller à Los Angeles pour goûter au top du jazz-électro-lo-fi, il suffit d’un petit trip en Belgique, la nouvelle Californie. Il y fait moins beau, mais l’ivresse y est plus douce.

Mathieu

Steiger par Victor Van Hoof, un groupe de gilets jaunes.

Steiger par Victor Van Hoof, un groupe de gilets jaunes.