Antonio Neves

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A Pegada Agora É Essa (The Sway Now) (Far Out Recordings)

C’est par une nuit d’insomnie que tout a commencé. Tromboniste, batteur, arrangeur et bien d’autres choses encore, Antonio Neves avait maté un documentaire sur Quincy Jones et son cerveau ne trouvait pas le repos. Alors, il a commencé à noter sur un bout de papier tous les gens qui font, selon lui, la force de la scène carioca d’aujourd’hui. Il avait envie de tous les rassembler pour leur offrir le meilleur des terrains de jeu possibles. Ce n’était pas un simple album dont il avait envie: ce qu’il avait en tête, c’était un véritable portrait de famille de sa ville, Rio de Janeiro.

Résultat, le casting d’A Pegada Agora É Essa, son premier album pour le label anglais Far Out Recordings, a des allures de dream team brésilienne. Ou plutôt d’invitation au digging intensif. C’est simple, à chaque ligne des liner notes correspond une figure à suivre de très près: Gus Levy à la guitare électrique, Joana Queiroz à la clarinette basse, Luiz Otávio aux claviers, la petite-fille du légendaire Dorival Caymmi la chanteuse Alice Caymmi, ou encore la passionnante songwriteuse Ana Frango Elétrico dont Antonio Neves a arrangé le Little Electric Chicken Heart nommé aux Latin Grammy Awards.

Le Carioca explore sur les huit pistes de A Pegada Agora É Essa comme huit nuances de groove brésilien dans lesquelles on retrouve les fantômes de Tim Maia, d’Azymuth, Tom Zé, Egberto Gismonti, Gal Costa ou encore Bixiga 70

Mais ce n’est pas tout car le carnet d’adresses d’Antonio Neves ne manque pas de ressources: fils du musicien Eduardo Neves, prof à la prestigieuse Juilliard School de New York et saxophoniste pour toute la crème de la MPB (música popular brasileira), il invite la flûte de son paternel pour le mystérieux morceau de clôture ('“Jongo No Feudo”), mais aussi un guitariste de génie avec lequel ils ont tous deux joué, Hamilton de Holanda sur un “Forte Apache” serré comme le café où il malaxe avec soin la tradition afro-brésilienne de l’umbanda.

Grand fan de jazz (il raconte dans cette interview très complète son admiration pour Joshua Redman et Kenny Garrett), Antonio Neves passe ainsi son temps à raccommoder les liens entre passé et présent, à l’image de son étonnante reprise du fameux “Summertime”: s’il s’approprie le standard le plus populaire de Gerswhin, c’est pour le gorger de textures contemporaines à la Makaya McCraven. Et tout le disque suit cette philosophie, que ce soit avec le funk made in Brazil ou le Candomblé. Ce n’est pas pour rien si la pochette du disque adopte un noir et blanc très vintage.

Le Carioca explore sur les huit pistes de A Pegada Agora É Essa comme huit nuances de groove brésilien dans lesquelles on retrouve les fantômes de Tim Maia, d’Azymuth, Tom Zé, Egberto Gismonti, Gal Costa ou encore Bixiga 70. Quincy Jones avait fait en son temps le célèbrissime Big Band Bossa Nova, Antonio Neves propose quant à lui son “Big Band Pegada Nova”. Ou plutôt son “Big Band Rio Nova”. L’histoire d’amour entre la mégalopole brésilienne et le jazz est décidément éternelle. A Pegada Agora É Essa en est une preuve explosive.

Mathieu

Crédit: lvcazanalog

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