Gordon Koang

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Unity (Music in Exile)

Gordon Koang, c’est une légende - au Sud-Soudan, son pays, on le surnomme le « King of Music », tout simplement. Gordon Koang, c’est une voix, qui inonde de toute sa décontraction et de ses légères arabesques cet album très sobrement baptisé Unity. Gordon Koang, c’est aussi un instrument, le thom, très populaire chez les Nuers, une tribu originaire des rives du Nil. C’est à cette lyre à six cordes qu’on doit le son si original de ce premier LP pour le label australien Music in Exile: plus qu’un détail, c’est la véritable signature sonique des huit titres de l’album. Mais Gordon Koang, c’est aussi et surtout un destin. Et pas simplement parce qu’il est aveugle de naissance. Pas uniquement parce qu’il a commencé très jeune la musique avant de devenir une figure de la lutte pour l’indépendance du Sud-Soudan qui cumule les centaines de milliers de vues sur YouTube.

Non, pour comprendre pourquoi cet album est si spécial, il faut se plonger dans son champ lexical. Et prendre au premier degré son morceau d’ouverture: “Asylum Seeker” (demandeur d’asile). Car si Unity est le premier disque depuis près de dix ans, c’est parce que le chanteur populaire a profité d’une tournée internationale en 2013 pour quitter son pays en proie à la guerre civile. Accueilli en Australie, il a attendu cinq ans avant de pouvoir se retrouver un groupe, un vrai. Et cette “renaissance”, il la doit à la maison de disques Music in Exile, une structure que le patron du label Bedroom Suck Records, Joe Alexander a imaginée (au départ) spécialement pour lui.

A la fois dansant et hypnotique, intense et léger, folklorique et pop, carré et brinquebalant, il sonne comme si l’éthio-jazz et le reggae avaient enfanté d’un bébé doucement fêtard

Résultat, en plus des percussions de son cousin Paul Biel Kueth qui pose à ses côtés sur la pochette, le “Michael Jackson du Sud-Soudan” se retrouve escorté par des figures de l’indie-rock de Melbourne: Stefan Blair et Liam Parsons de Good Morning, James Mannix de Peak Twins, et Paul Ceraso de Lizard Queen. Et c’est ce qui donne l’énergie si particulière de Unity. A la fois dansant et hypnotique, intense et léger, folklorique et pop, carré et brinquebalant, il sonne comme si l’éthio-jazz et le reggae avaient enfanté d’un bébé doucement fêtard.

Et puis, chez Gordon Koang, il n’y a pas que la musique, il y a aussi des paroles d’appels à l’Unité. Chez d’autres, ce genre de discours peut sonner toc. Avec l’Asylum Seeker de Djouba, ils sont au contraire poignants, à l’image de l’avant-dernier morceau du disque: “Tiel e Nei Nywal Ke Ran”, qu’il faut traduire par “nous n’avons de problème avec personne”. Une manière limpide d’appeler à la paix qui colle bien à cet album limpide lui aussi. Si seulement le monde arrivait un jour à être aussi limpide que la musique de Gordon Koang, la vie serait bien belle.

Mathieu

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