[PREMIERE] Sous les stroboscopes, la techno organique de Sugar Sugar

Quand deux artistes touche-à-tout, armés de leur lourd bagage en musiques improvisées, s’attaquent à l’univers de l’ambient techno, ça donne quelque chose de complètement fou et jouissif. Pour cette exclusivité sur le titre « Floating », l’hydre à deux têtes Sugar Sugar nous offre un clip stroboscopique bourré aux amphét’ (et fortement déconseillé aux épileptiques). 

Si vous lisez ces lignes après avoir été secoué dans tous les sens par la lessiveuse Sugar Sugar, un grand bravo : ou bien vous êtes un surhomme, ou bien vous avez regardé cette vidéo sur un petit écran de smartphone avec une seule oreillette à bas volume. Si c’est le cas, permettez-moi de vous dire que vous êtes passé à côté d’une expérience assez exceptionnelle. De l’ordre de celles qui vous propulsent au milieu de la moiteur d’un club trop plein, aux murs suintant de tous leurs pores l’énergie libérée par des danseurs possédés. 

Parce que toute la force de Julien Loutelier, à la batterie acoustique, et Axel Rigaud, au synthétiseur modulaire, réside dans cette capacité à nous plonger dans un univers familier tout en déjouant tous les codes du genre. La sensation est d’autant plus jouissive qu’on sort de la solitude du DJ face à ses machines pour admirer ce duo au corps-à-corps avec leurs instruments. Car ici pas de set préenregistré sur un ordinateur, mais des capteurs placés sur les éléments de la batterie qui permettent de « déclencher ces sons et entraîner leur transformation progressive, via une partition élaborée en direct, et que découvre Julien. » Un véritable tandem de virtuoses donc parti pour une exploration sans limite des possibilités de l’improvisation électro-acoustique (ou analogico-organique peut-être ?).  

Lumières et son se répondent en parfaite harmonie et font de ce titre « Floating » une œuvre totale.

Si le projet Sugar Sugar peut rappeler celui de son proche parent le Cabaret Contemporain (l’inénarrable quintet techno acoustique dont font partie Julien Loutelier et l’ingénieur du son Pierre Favrez), on est ici sur quelque chose de plus proche de l’ambient, sublimé par le son mat de la batterie et les nappes analogiques du synthé modulaire. Ce qui frappe aussi bien sûr c’est ce dispositif scénique stroboscopique signé Lénaïc Pujol (du collectif Scale), qui participe activement au processus de création comme de réception. Lumières et son se répondent en parfaite harmonie et font de ce titre « Floating » une œuvre totale.

Constitué pendant le Covid, le groupe n’a pas encore eu l’occasion de beaucoup se produire sur scène. Avec ce hors-d’œuvre qui n’en finit pas de nous faire saliver, on sait qu’il faudra guetter de près leurs faits et gestes, quand on aura de nouveau droit de transpirer joyeusement ensemble. 

Auguste Bergot

Le duo Sugar Sugar (Alex à gauche, Julien à droite).