Nala Sinephro

Space 1.8, disque de la semaine du Grigri du 11/10 au 17/10

Space 1.8 (Warp Records)

Il y a des disques qui ont de bonnes tronches de trips. Dès les premières notes, on sent qu’on va partir loin, très loin. Le plus étonnant, c’est que ce sont souvent des oeuvres qui, à la différence d’Elon Musk ou Richard Branson, n’en font pas trop: ils nous laissent tout l’espace nécessaire pour aller proprement dans l’Espace. Vous l’aurez compris, le premier opus de Nala Sinephro est de cette trempe. Et pas simplement à cause de son titre, Space 1.8, ou de sa pochette doucement cosmique.

Ce voyage intersidéral, on le doit à son parti pris esthétique aux confins du jazz, de l’ambient, du new age et des musiques électroniques. Il évoque notamment les légendaires hybridations de Brian Eno avec Jon Hassell dans les années 80: des mélanges futuristes mais zen. Ou quand l’Espace n’est pas perçu comme un repaire à méchants extraterrestres, mais plutôt comme un havre de paix cotonneux dans lequel il fait bon graviter, à l’image du titre de clôture « Space 8 » et ses 17’30 minutes en apesanteur.

Nala Sinephro marche dans les pas d’une Alice Coltrane pour laquelle le spiritual jazz confinait souvent à la transe métaphysique et minimale.

Armée de sa harpe, d’une poignée de synthés et de quelques invités bien choisis (la saxophoniste Nubya Garcia, le batteur de Maisha, Jake Long ou le saxophoniste d’Ezra Collective, James Mollison), la compositrice belgo-caribéenne installée à Londres nous rappelle qu’il ne faut pas grand-chose pour faire un monde du moment qu’on y croit fort. Dès le premier morceau, « Space 1 », Nala Sinephro marche dans les pas d’une Alice Coltrane pour laquelle le spiritual jazz confinait souvent à la transe métaphysique et minimale. Quant à « Space 4 », il offre un vrai crescendo de six minutes proche des éruptions contrôlées d’un Kamasi Washington.

Pas étonnant de voir ce projet sortir sur le label Warp, maison de disques anglaise connue pour son catalogue de trafiquants de textures (Flying Lotus, Boards of Canada, Aphex Twin…). Et même mieux que « pas étonnant »: c’est toujours une joie de voir le jazz sortir de sa zone de confort et s’immiscer dans de tels mondes parallèles. Avec ses titres sans titres (tous les morceaux s’appellent Space mais sont numérotés de 1 à 8), Nala Sinephro nous offre une passionnante symphonie synthétique en huit temps. Puisse-t-elle influencer en bien la vibration de l’univers.

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Pour son second album en 2025, le guitariste, multi-instrumentiste et producteur japonais Takuro Okada signe un hommage à ses influences, de Sun Ra au saxophoniste norvégien Jan Garbarek (avec une reprise de son Nefertiti), en passant par la scène jazz fusion japonaise ou encore Flying Lotus. Ce type d’exercice, souvent raté chez d’autres, est ici parfaitement orchestré : chaque morceau dialogue avec le suivant, tissant un ensemble cohérent qui nous captive, parfois au bord de l’hypnose… comme ces cercles aux centres différents mais si proches de la pochette.

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Au début, les jazzmen offraient aux producteurs hip-hop la matière première idéale pour leurs instrus. Mais aujourd’hui, la boucle s’inverse : ce sont de jeunes groupes qui se laissent imprégner par l’héritage de Madlib ou J Dilla. Symbole de cette mouvance, le quintet polonais Omasta façonne avec Jazz Report from the Hood un jazz-funk live jouissif, aux rythmes enfumés, prêt à être samplé et découpé dans une MPC. Une preuve que les B-boys et les amateurs de blue note n’ont jamais été aussi proches!

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