Jaubi

Nafs at Peace, disque de la semaine du 07/06 au 13/06


Nafs at Peace (Astigmatic Records)


Les Pakistanais de Jaubi, ça faisait un petit bout de temps qu’on les avait captés sur notre radar. Que ce soit grâce à leur récent hommage à MF DOOM (un “Figaro” de toute beauté en téléchargement libre ici même), leur compagnonnage avec le flûtiste anglais Tenderlonious (Ragas from Lahore à découvrir là), leur collaboration avec les passionnants producteurs hip-hop The Gaslamp Killer & Mophono (qui ont remixé “Satanic Nafs”) ou encore leur signature sur le label londonien Astigmatic Records, celui-là même qui héberge les palpitants Polonais d’EABS et de Błoto.

Bref, avant même l’écoute de Nafs at Peace, on avait clairement un a priori positif. D’autant que la pochette, sobre, classe et intrigante, ajoutait encore du mystère à ce premier album officiel du groupe de Lahore. À la découverte de ces sept tracks, on n’a pas été déçus du voyage. Epaulés par la flûte de Tenderlonious ou les claviers de Marek “Latarnik” Pędziwiatr (from EABS et Błoto), Ali Riaz Baqar (guitare), Zohaib Hassan Khan (sarangi), Qammar ‘Vicky’ Abbas (batterie) et Kashif Ali Dhani (tabla, voix) s’imposent clairement comme le nouveau grand groupe du spiritual jazz contemporain.

Tout se passe comme si l’album sonnait comme un Love Supreme des temps modernes, un Love Supreme qui aurait été biberonné au hip-hop et tuné à grands coups d’instruments indiens comme le sarangi ou les tablas.

Il suffit de s’attarder sur la pochette et le titre de l’album pour s’en convaincre: la dame qui prie sur la photo, c’est la maman du leader du groupe, Ali Riaz Baqar. Quant à Nafs at Peace, c’est l’étape finale du parcours spirituel dans le Coran: quand le “moi” est parvenu à dépasser tous ses combats intérieurs. D’où l’impression d’ascension du disque, qui débute par une douce et courte intro avec choeur (“Seek Refuge”) pour se clôturer sur une ardente et très coltranienne pièce avec Tenderlonious au saxophone (“Nafs At Peace”).

Tout se passe comme si l’album sonnait comme un Love Supreme des temps modernes, un Love Supreme qui aurait été biberonné au hip-hop et tuné à grands coups d’instruments indiens comme le sarangi ou les tablas. S’ils ont des faux-airs de BadBadNotGood orientaux ou de Mahavishnu Orchestra 2.0, les Pakistanais ne donnent jamais le sentiment de “copier” quelqu’un ou quelque chose. Ils épousent un groove mystique qui va du jazz au hip-hop avec le plus grand naturel. Logique pour un groupe dont le nom signifie qui que ce soit (ou quoi que ce soit): car Jaubi est un alliage qui transcende vraiment toutes les frontières, qu’elles soient géographiques, stylistiques ou religieuses.

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Pour son second album en 2025, le guitariste, multi-instrumentiste et producteur japonais Takuro Okada signe un hommage à ses influences, de Sun Ra au saxophoniste norvégien Jan Garbarek (avec une reprise de son Nefertiti), en passant par la scène jazz fusion japonaise ou encore Flying Lotus. Ce type d’exercice, souvent raté chez d’autres, est ici parfaitement orchestré : chaque morceau dialogue avec le suivant, tissant un ensemble cohérent qui nous captive, parfois au bord de l’hypnose… comme ces cercles aux centres différents mais si proches de la pochette.

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Au début, les jazzmen offraient aux producteurs hip-hop la matière première idéale pour leurs instrus. Mais aujourd’hui, la boucle s’inverse : ce sont de jeunes groupes qui se laissent imprégner par l’héritage de Madlib ou J Dilla. Symbole de cette mouvance, le quintet polonais Omasta façonne avec Jazz Report from the Hood un jazz-funk live jouissif, aux rythmes enfumés, prêt à être samplé et découpé dans une MPC. Une preuve que les B-boys et les amateurs de blue note n’ont jamais été aussi proches!

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