Son nouvel album Sankofa sort le 25 juin chez les Anglais de Far Out Recordings. Mais en exclusivité pour Le Grigri, le pianiste brésilien Amaro Freitas dévoile “Cazumbá” une incroyable pièce de huit minutes qui résonne comme un véritable manifeste environnemental au croisement du jazz et de la musique de film.
En à peine quelques années, le trio formé par le pianiste Amaro Freitas, le batteur Hugo Medeiros et le bassiste Jean Elton sont devenus de véritables ambassadeurs du jazz brésilien. Leur force? Avoir réussi à délicatement mélanger les musiques traditionnelles de leur pays et la grande lignée des pianistes percussifs, de Thelonious Monk et à Art Tatum. Car tous ceux qui ont déjà écouté les précédents opus de natif du Nordeste (Sangue Negro et Rasif) ont pu voir à quel point le garçon dégageait un incroyable alliage de puissance et de délicatesse.
Prévu pour le 25 juin sur le passionnant label londonien épris de musiques brésiliennes Far Out Recordings, Sankofa ne déroge pas à la règle. On y retrouve cette profusion de rythmes à la fois dansants et complexes qui ont fait la réputation et presque la légende d’Amaro Freitas à Récife. Un disque qui résonne comme une véritable quête spirituelle au coeur des histoires oubliées, des philosophies anciennes et des figures inspirantes du Brésil noir. “J’ai travaillé pour essayer de comprendre mes ancêtres, ma place, mon histoire, en tant qu’homme noir, explique le pianiste. Le Brésil ne nous a pas dit la vérité sur le Brésil. L’histoire des Noirs avant l’esclavage est riche de philosophies anciennes. En comprenant l’histoire et la force de notre peuple, on peut commencer à comprendre d’où viennent nos désirs, rêves et souhaits.”
Dans son jazz, on retrouve la funk, la samba, le maracatu, le frevo mais aussi certaines énergies très hip-hop à l’image du fascinant morceau qu’il nous offre en avant-première mondiale, “Cazumbá”
Le pianiste a ainsi choisi de se placer sous l’égide du “Sankofa”, un symbole Adinkra (originaire du Ghana) qui met en scène le retour aux sources: on le représente souvent par un oiseau qui vole vers l’avant, la tête tournée vers l’arrière. Se nourrir du passé pour aller vers l’avenir, c’est tout ce qu’a toujours fait Amaro Freitas. Dans son jazz, on retrouve la funk, la samba, le maracatu, le frevo mais aussi certaines énergies très hip-hop à l’image du fascinant morceau qu’il nous offre en avant-première mondiale, “Cazumbá”: cette tournerie en ouverture et en clôture, on pourrait presque s’en servir comme boucle pour MC.
“Cazumbá” doit son nom à un taureau mythique de la région tropicale du Maranhão. Il symbolise l’interdépendance de tous les êtres vivants. D’où les nombreuses variations (on pourrait même parler de rebondissements) qui parcourent ces huit minutes sous tension. En plein milieu du morceau, on se retrouve ainsi dans une séquence frémissante à la Debussy. Comme dans un film sans images, le trio met en son un port urbain bruyant avant de se diriger vers la tranquillité de la rivière de la forêt tropicale. Inspiré par les sons de la nature (grillons, oiseaux, eau qui coule), c’est un appel à respecter et à protéger la beauté naturelle époustouflante du Brésil.
Dans ce monde frénétique, Sankofa est aussi un appel à la décroissance. Comme pour tous ses albums, Amaro Freitas a pris son temps: pendant deux ans, le trio a passé huit heures par jour, quatre jours par semaine en studio. “Le temps est la chose la plus importante. Nous ne pouvons pas arriver là où nous voulons être sans lui. Alors, je veux aussi transmettre ce message aux générations futures : ralentissons, donnons-nous plus de temps, faisons des choses plus profondes. Arrêtons de nager en surface, plongeons.” Vous l’avez compris, Sankofa a tout pour être la B.O. idéale de nos vacances déconfinées.