Days As Echoes (Funk Night Records)
Misha Panfilov est un sacré phénomène. Estonien, comme Arvo Pärt, il fait le bonheur d’un label de Detroit répondant au doux nom de Funk Night Records (fnr pour les intimes et pour Discogs, ce qui revient au même). Producteur-meneur de vrais-faux groupes comme Madlib, il multiplie les alias fantaisistes comme Jésus les verres de pinard: Hanz Mambo & His Cigarettes, Penza Penza ou Dead End Boogie. Accro aux synthés psyché et soul tels Alain Goraguer ou Kraftwerk, il fait partie de ces types tellement fans de library music, cette mine d’or que représente la musique d’illustration des années 70, qu’ils passent leur temps à la ressusciter.
Pur enfant indé de Bandcamp, il appartient à la caste des gens qui sortent des disques quand ils veulent, sans plan promo ou fichier Excel à douze entrées – il vient par exemple d’en sortir trois quasi en même temps; Paradise Cove avec Shawn Lee, la B.O. du film Rain et le Days As Echoes qui nous intéresse ici. Fan de groove sous toutes ses formes, il a créé une géniale chaine YouTube dédiée au très méconnu mais passionnant funk-jazz de l’époque soviétique, Funked Up East. Si on ajoute à tout ça qu’il a les mêmes initiales que Michel Portal, Michel Piccoli, Michelle Pfeiffer, Marcel Proust ou Michel Platini, on arrive à une potentielle perfection du personnage.
Serait-on serait à deux doigts de l’introniser au rang de Sun Ra estonien? Oui, mais un Sun Ra (beaucoup) moins free et (bien) plus solitaire.
Mais tout cela ne serait que littérature si sa musique n’était pas emballante comme une fête d’anniversaire surprise avec open bar et gogo dancer/danseuse dans le gâteau bio mais bon. Il faut dire que Misha Panfilov fait partie de ces types touche-à-tout, qui peuvent enchaîner un disque de space funk avec un trip ambient et bifurquer juste après sur de l’afro-jazz. Serait-on serait à deux doigts de l’introniser au rang de Sun Ra estonien? Oui, mais un Sun Ra (beaucoup) moins free et (bien) plus solitaire. Toujours est-il que comme le légendaire leader de l’Arkestra, Misha Panfilov a lui aussi des musiciens-clés (le saxophoniste Sasha Petrov, la chanteuse Anna Dotsenko ou le flûtiste Ilja Gussarov) et son groupe phare, le Sound Combo avec lequel il a sorti moult EP excitants, mais seulement deux LP, En Route en 2017 et ce Days As Echoes il y a quelques jours.
Le magicien estonien y explore le versant éthéré, hypnotique et onirique de son talent, avec une nouvelle voie à chaque nouvelle piste. De “Together”, ritournelle ethio-jazz, à “Few Layers For Smith” clairement biberonné à Steve Reich en passant par “Ocean Song” qui sonne comme si le “All Blues” de Miles Davis avait été assaisonné à la sauce Planète Sauvage dans une cérémonie post-rock, Days As Echoes ressemble à un shoot de Ventoline pour l’âme et l’oreille. D’où la pochette qui ressemble à un clin d’oeil au Fly With The Wind de McCoy Tyner. Un disque avec de l’écho d’où transpire le grand air de la montagne.