Idris Ackamoor & The Pyramids

Shaman!, disque de la semaine du Grigri du 31/08 au 06/09


Shaman! (Strut Records)

Il y a des trilogies qui finissent mal, qui terminent à bout de souffle, qui ne tiennent pas la distance. Et il y a les trilogies qui ont la posture olympique: toujours plus haut, toujours plus fort, toujours plus loin. Après We Be All Africans en 2016 et An Angel Fall en 2018, voici donc Shaman! qui parachève, paraphe et parfait le comeback le plus réussi du jazz de ces dernières années, celui d’Idris Ackamoor & The Pyramids. Formation culte de l’afro-spiritual-free-jazz des seventies, ce groupe californien a connu une nouvelle vie au mitan des années 2010. Presque une nouvelle ère qui doit beaucoup à une alliance britannique: le très cool label anglais de Mulatu Astatke ou Ebo Taylor, Strut Records, et le très psyché fondateur des Heliocentrics, Malcolm Catto.

Et si les deux précédents épisodes de cette trilogie de groove bien perché étaient déjà plus que bien foutus, Shaman! pousse encore plus loin le bouchon de la perfection. Déjà par sa pochette complètement trippée, un chef-d’oeuvre qu’on doit à l’artiste pop-psyché Tokio Aoyama et qui évoque la grande époque électrique de Miles Davis et ses covers imaginées par le maestro Mati Klarwein. Second (bon) point? Le retour remarqué de la flûtiste originelle du groupe, Dr. Margaux Simmons, l’ex-femme d’Idris Ackamoor: comme un symbole, elle ouvre l’album dans une ambiance soul-rap que n’aurait pas reniée Gil Scott-Heron avant de la clôturer sur un solo clairement tournoyant.

Et puis, il y a les neufs titres de l’album, plus incroyables les uns que les autres. “Salvation”, qui commence comme le Coltrane d’Africa Brass pour explorer ensuite une sorte de voie manouche free. Ou “Dogon Mysteries” qui débute comme du Ali Farka Touré avant d’emprunter un groove plus afrobeat. Sans parler de l’intro new age de “Virgin”, de “Eternity” et son thème à la Duke Ellington ou des nombreuses envolées à la Pharoah Sanders d’Idris Ackamoor (“sur “Tango of Love” c’est bluffant).

Bref, dans cette plasticité afro-futuriste et free jazz, The Pyramids sonnent souvent comme un Sun Ra Arkestra sunshine. Un couleur fort optimiste qui n’empêche pas le groupe d’aborder des thèmes sensibles comme le décès de leur ami Cecil Taylor (“Theme for Cecil”) ou le Clotilda, le dernier bateau à avoir déporté des esclaves d’Afrique vers les Etats-Unis (“The Last Slave Ship”). On appelle ça le grand disque d’un grand groupe aux grands mots et aux grands remèdes.

🇬🇧 After “We Be All Africans” in 2016 and “An Angel Fall” in 2018, “Shaman!” completes, signs and perfects the most successful comeback in jazz (of recent years). “Idris Ackamoor & The Pyramids”, afro-spiritual-free-jazz legendary band of the seventies is experiencing a new life. And if the two first episodes of this trilogy of crazy groove were already very well-done, “Shaman!” is getting way beyond perfection. (…) The nine tracks of the album are each more incredible than the last : “Salvation” is starting off as Africa Brass’s Coltrane and then explores a sort of gypsy-free route,“Dogon Mysteries” is looking like Ali Farka Touré’s music before taking on a more afrobeat groove’s turn. Not to mention the new age intro of “Eternity” and its Duke Ellington’s theme or the many Pharoah Sanders flights of Idris Ackamoor like on the amazing “Tango of Love ”. The Pyramids often sound like a sunshine Sun Ra Arkestra and this is what we call a big record!

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Alliance du bout du monde entre le rappeur Mary Sue et le groupe jazz The Clementi Sound Appreciation. La recette est donnée dès le premier morceau : samples de musique folklorique d’Asie du Sud-Est mixés à des instrumentations live, sur lesquelles se pose le flow et les lyrics abstraites du MC. On se croirait en plein rap alternatif américain, mais cela nous vient directement de l’underground singapourien. Un objet sonique unique et percutant. La sono mondiale, la vraie !

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