Robohands

Shapes, disque de la semaine du Grigri du 18/01 au 24/01


Shapes (KingUnderground)

On ne va pas se mentir. Quand un disque se présente avec une telle pochette, ça met déjà les oreilles dans des conditions optimales. Ça installe un moelleux coussinet derrière la nuque du jugement. Signée Floating Bstrd, elle s’impose comme le parfait mélange entre Matisse et Parra. Ces formes classes et flashy ressemblent à un rébus-manifeste de la musique de Robohands: à la fois anguleuses et arrondies, uniques mais complémentaires, faites main et sérigraphiées. En fait, elles annoncent clairement le groove décontracté de Shapes, typiquement le genre de disque qui donne envie de danser dans sa tête et de se dire “cool, mec, cool meuf, tout va bien” même quand il y a quelques raisons de penser le contraire.

Robohands, on l’avait déjà remarqué au printemps 2018 (au tout début du Grigri, oui, oui) avec le très réussi Green. On avait aimé son côté DIY: derrière ce nom aux allures de groupe krautrock sa cachait en réalité un Londonien seul tout, Andy Baxter. Dans un esprit proche d’un Robert Glasper, le garçon jouait les batteries, la guitare, la basse, les claviers et demandait juste à deux, trois potes un coup de main pour les cuivres et les vents. Trois ans plus tard, Robohands n’a pas changé sa formule, elle était même idéale pour un enregistrement en période de confinement. Il a simplement ajouté la flûte à son arsenal d’instruments.

Dans la démarche comme dans le son, Shapes sonne parfois comme si DJ Shadow s’était mis à l’exotica.

Mais ce n’est pas tout. Sur Shapes, Andy Baxter affirme clairement s’être inspiré de la library music et de certains de ses prophètes, Piero Umilani, David Axelrod, Brian Bennet. Musique d’illustration composée (souvent) anonymement et à la chaîne dans les années 70, elle a joué un rôle non négligeable dans l’essor du hip-hop et des samples – logique, personne ne venait réclamer les droits. Résultat, elle sonne aujourd’hui comme une sorte de rap instrumental avant l’heure. Cette influence a donc fait délicatement muter la musique du Londonien. Fini le “nu-jazz” très propre de Green, Shapes évoque davantage les basses rentre-dedans de BadBadNotGood ou les guitares molletonnées de Khruangbin.

Alors que certains font le choix de muscler leur jeu album après album, c’est presque à une entreprise de décroissance sonique que s’attèle Robohands avec ce troisième album tranquillement vintage. Dans la démarche comme dans le son, Shapes sonne parfois comme si DJ Shadow s’était mis à l’exotica, ce style musical et onirique fondé dans les années 50 par un glorieux homonyme, Les Baxter. Une musique avec assez d’espace(s) pour que chacun puisse y trouver sa place.

Mathieu

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Derrière le rideau de fer, il y avait des chars, des idéaux dévoyés comme des micros planqués — et plus étrange : du jazz. Spirituel, incandescent, mais surtout clandestin. À l’Est, on soufflait dans les saxs comme on lançait des prières ou des pierres, chez soi ou bien loin des spotlights. Behind the Iron Curtain explore un monde verrouillé, où les disques passaient sous le manteau et la liberté vibrait à chaque note. Des Carpates à l’Oural, le jazz comme insoumission, ou comme cheval de Troie — avec des étoiles plein les oreilles.

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Alliance du bout du monde entre le rappeur Mary Sue et le groupe jazz The Clementi Sound Appreciation. La recette est donnée dès le premier morceau : samples de musique folklorique d’Asie du Sud-Est mixés à des instrumentations live, sur lesquelles se pose le flow et les lyrics abstraites du MC. On se croirait en plein rap alternatif américain, mais cela nous vient directement de l’underground singapourien. Un objet sonique unique et percutant. La sono mondiale, la vraie !

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