Cinquième album du Florian Pellissier Quintet, Rio est une sorte d’aboutissement, la fin d’un pèlerinage qui viendrait couronner les vingt années de cheminement de ce quintet français iconique. Inspiré par les vibrations du mythique Rudy Van Gelder Studio, ces adeptes du folklore vaudou et des moiteurs tropicales viennent réveiller l’esprit du hard bop. La preuve par cinq avec « Baron Samedi » que le Grigri vous dévoile en exclusivité.
Connaissez-vous le Baron Samedi ? C’est un personnage effrayant, sinistre, qui rôde devant les cimetières, vêtu d’un costume de soirée, d’un chapeau haut-de-forme blanc, d’une paire de lunettes de soleil cassée et qui a du coton dans les narines. Dans le vaudou haïtien et louisianais, on vénère cet esprit de la mort et de la résurrection le samedi pour le prier de veiller à ce que les morts le restent et de raccompagner les âmes errantes. Dans le vaudou pellissierain, on l’invoque aussi souvent que nécessaire pour réveiller les esprits d’Art Blakey, de John Coltrane, de Herbie Hancock et de Freddie Hubbard.
Avec ses allures de chapelle suédoise, tout de bois vêtu, le studio Rudy Van Gelder est venu s’installer au milieu de ce quintet comme un chat sur un canapé : il a amolli l’atmosphère et laissé trainer quelques paquets de poils en repartant.
Dès les premiers instants, le titre prend des airs d’incantation : la scansion répétée de Pellissier au piano, de David Georgelet à la batterie et de Yoni Zelnik à la contrebasse forment comme le chœur de prières, dominé par la voix du saxophone de Christophe Panzani puis de la trompette de Yoann Loustalot qui sont comme le chant de ce sorcier vaudou. Les rôles s’échangent, le piano prend la voix de tête, mais on reste pris dans ce tournoiement de derviche qui finit en un véritable carnaval mystico-délirant dont on sort plus que siphonnés.
Cette cérémonie vaudou qui réussit le pari de ressusciter un hard bop qu’on croyait aujourd’hui enterré, nous la devons à deux génies : celui de cette formation jouissive, et celui du lieu d’exception où a été enregistré l’album. Avec ses allures de chapelle suédoise, tout de bois vêtu, le studio Rudy Van Gelder est venu s’installer au milieu de ce quintet comme un chat sur un canapé : il a amolli l’atmosphère et laissé trainer quelques paquets de poils en repartant. Car cet album, ce n’est pas celui que Pellissier avait imaginé. Il l’avait rêvé sombre et ténébreux, le voilà sensible et lumineux, et profondément pétri des esprits des géants du jazz qui ont habité les lieux.
« Ce disque que je rêvais brut, que je visualisais sale, riche et spirituel s’est en fait heurté à la réalité du moment. L’énergie, la dynamique du groupe n’étaient, à ce moment, pas celles-là. Quelque chose résistait. La volonté était de s’enfoncer dans les ténèbres, la réalité nous ramenait vers toujours plus de sensibilité et d’élégance. » (Florian Pellissier)
Et autant dire qu’on ne regrettera pas l’album que Rio devait être (qui sait ce sera peut-être pour le prochain ?), tant il apparaît aujourd’hui vibrant, pétri de la force de la tradition sans perdre en authenticité et en force créatrice. Et si vous voulez poursuivre ce voyage franco-brésilo-new-jerso-vaudou, le Florian Pellissier Quintet et le label Hot Casa Records vous donnent rendez-vous le 28 mai pour la sortie de ce délicieux Rio.
Le Florian Pellissier Quintet sera également au Duc des Lombards les 15 et 16 septembre pour une release party qui s’annonce bouillante : https://ducdeslombards.com/fr/l-agenda/florian-pellissier-quintet-rio
Auguste Bergot