Le label français Nyami Nyami a eu la brillante idée de republier la rencontre musicale entre le groupe sud-africain Azumah et le sorcier-luthier d’Eswatini (ex-Swaziland) Smiles Mandla Makama. Ces compositions enregistrées originalement en 1985, chargées d’histoire, nous embarquent pour un voyage temporel, spirituel et politique. On vous offre en exclusivité un extrait de cet album magique qui ressort ce vendredi 4 décembre.
Il y a bien longtemps, dans un petit royaume sillonné de montagnes, vivait un sorcier solitaire, reclus dans sa hutte en haut des monts Lebombo… L’histoire derrière cet album a tout du début d’un conte de fées. Tout y est : un sorcier-artisan au nom fabuleux, « Smiles », une troupe d’artistes quittant leur Johannesburg natal et parcourant les montagnes d’Eswatini pour aller recevoir son enseignement, et enfin le récit (en musique) de leurs exploits conjoints. Un conte sans princesses, certes, mais truffé de chevaliers pacifiques se dressant contre le dragon de l’Apartheid.
Les neuf compositions qui constituent l’album A Long Time Ago ont été enregistrées en un jour seulement à Johannesburg et produites par David Marks, Des Linberg et Smiles Makama. On peut entendre sur l’album, derrière une foule d’instruments traditionnels d’Afrique australe, l’un des instruments magiques créés par l’artiste swati : le smilerphone ou « bush-synthetizer » (dont vous pouvez avoir un aperçu ici).
« Mbiras, marimbas, percussions, arcs musicaux et harmonies vocales envoûtantes soutiennent les mantras politiques et spirituels pour un voyage extatique rappelant le meilleur de Nana Vasconcelos, Don Cherry, Malombo ou du groupe BCUC basé à Soweto. »
Cara Stacey, musicienne et musicologue
Chaque titre de l’album porte un message spirituel ou politique sur la vie en Afrique du Sud dans les années 80. Sur « Nkombose » que nous avons choisi de vous dévoiler pour cette avant-première, le message prend la forme d’une mise en garde : « Fils de mes pères, faites attention à ce que vous dites et où vous le dites » chantent en cœur les musiciens d’Azumah. Il fallait de la force et du courage pour diffuser ces mantras dans le contexte d’apartheid de l’époque. Harcelé par la police sud-africaine, Smiles Makama finira d’ailleurs par quitter le pays pour rejoindre l’Europe.
C’est avec une joie non dissimulée qu’on (re)découvre, grâce à cette réédition signée Nyami Nyami, les sonorités magiques d’Azumah qui paraissent aujourd’hui encore complètement neuves, inépuisables dans leurs nuances. Bon voyage !
Auguste Bergot

Smiles smiling. Crédit: Lucas Debellis
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Pour son second album en 2025, le guitariste, multi-instrumentiste et producteur japonais Takuro Okada signe un hommage à ses influences, de Sun Ra au saxophoniste norvégien Jan Garbarek (avec une reprise de son Nefertiti), en passant par la scène jazz fusion japonaise ou encore Flying Lotus. Ce type d’exercice, souvent raté chez d’autres, est ici parfaitement orchestré : chaque morceau dialogue avec le suivant, tissant un ensemble cohérent qui nous captive, parfois au bord de l’hypnose… comme ces cercles aux centres différents mais si proches de la pochette.
Au début, les jazzmen offraient aux producteurs hip-hop la matière première idéale pour leurs instrus. Mais aujourd’hui, la boucle s’inverse : ce sont de jeunes groupes qui se laissent imprégner par l’héritage de Madlib ou J Dilla. Symbole de cette mouvance, le quintet polonais Omasta façonne avec Jazz Report from the Hood un jazz-funk live jouissif, aux rythmes enfumés, prêt à être samplé et découpé dans une MPC. Une preuve que les B-boys et les amateurs de blue note n’ont jamais été aussi proches!